Démarchage téléphonique : le Sénat ne doit pas rouvrir la boîte de Pandore

Après avoir obtenu d’importantes avancées à l’Assemblée nationale pour lutter contre le fléau du démarchage téléphonique dont sont victimes 9 Français sur 10, l’ADEIC, l’AFOC, l’ALLDC, la CSF, le CNAFAL, la CNAFC, la CLCV, Familles de France, Familles Rurales, l’UFC-QueChoisir et l’UNAF s’alarment aujourd’hui de leur possible détricotage par la Haute Assemblée. Alors que les Sénateurs examineront demain en plénière le texte de loi, nous les exhortons à ne pas revenir aux inadmissibles excès du secteur, source d’exaspération mais aussi et surtout d’une multitude de litiges de consommation.

Interdiction dans la rénovation énergétique : seule réponse à l’explosion des litiges

Un  tiers  des  litiges  «rénovation  énergétique»  ont  pour  origine  le  démarchage  téléphonique,  avec  notamment  la machine  à  arnaque  de  «l’isolation  à  un  euro».  L’Assemblée  nationale  avait  entendu  l’appel  des  associations  et autorités  en  décidant  de  mettre  fin  au démarchage  dans  ce  secteur,  mais  la  Commission  des  Lois  du  Sénat  est revenue  sur  cette  avancée  majeure.  La  position  du  Sénat  est  paradoxale  à  l’heure  où  un  groupe  de  travail interministériel  et  une  instance  paritaire,  le  Conseil  National  de  la  Consommation, travaillent  sur  la  lutte  contre  les pratiques  frauduleuses  en  rénovation  énergétique.  Face  aux  montants  enjeu  et  à  l’ampleur  du  démarchage intempestif, seule une interdiction du démarchage pourra limiter les litiges et restaurer la confiance dans ce secteur.

Mais au-delà de la rénovation énergétique, les secteurs de l’assurance (notamment santé) ou de la fourniture d’énergie sont également sources de litiges comme le dénoncent régulièrement nos associations mais aussi les autorités de régulation (Médiateur national de l’Energie, ACPR). L’élargissement de l’interdiction à ces secteurs permettrait d’assainir davantage la situation. 

Blocage d’appels: non au rétropédalage

L’Assemblée avait imposé que les opérateurs bloquent les appels et messages frauduleux provenant de l’international et  dissimulés  par  un  numéro  français  («spoofing»).  La  Commission  des  Lois  du  Sénat  a  également  supprimé  cette avancée  à  même  de  limiter  bon  nombre d’escroqueries.  Les  Sénateurs  doivent  impérativement  restaurer  cette obligation. 

A défaut d’opt-in, un opt-out strict doit s’imposer

L’interdiction de principe du démarchage sauf consentement exprès du consommateur réclamée par nos associations et les 450000 consommateurs ayant signé la pétition «Démarchage téléphonique: interdisons le fléau», et qui a fait ses preuves à l’étranger, tarde à être mise en œuvre en France. Mais àdéfaut d’opt-in, et face à l’échec criant du système  Bloctel  actuel  avec  sa  myriade  d’exceptions,  il  importe  au  moins  de  mettre  en  place  un  opt-out  strict. Concrètement, un consommateur inscrit sur la liste d’opposition ne doit pas pouvoir recevoir d’appels commerciaux à l’exception des seuls appels des professionnels avec lesquels il a un contrat en cours et, uniquement, si l’appel est en lien  direct  avec  l’objet  du  contrat.  Les  exceptions  sont  encore  trop  nombreuses  et  il  faut  que  les Sénateurs  les restreignent. 

Appels commerciaux : à quand la transparence ?

Prévue  par  les  textes  européens  (Règlement  e-privacy) et techniquement possible, la mise en place d’un préfixe unique pour les appels à visée commerciale permettrait aux consommateurs d’identifier rapidement et simplement les appels commerciaux et, le cas échéant, de choisir de décrocher ou non. 

Les   Sénateurs  doivent  comprendre  l’importance  et  l’urgence  d’assainir  en  profondeur  le  secteur  du démarchage téléphonique.  

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